La mer en hiver
m'enveloppe de lumière
grise mon corps
s'endort
La mer en hiver
m'enveloppe de lumière
grise mon corps
s'endort
Heuristique sur la situation terrestre
En ce qui concerne Dieu, il y a 3 hypothèses :
Soit Il est las. Il faut dire que bâtir le monde a demandé beaucoup d’énergie. Ca a bien marché pendant des millions d’années, trop bien marché, Dieu s’ennuyait. Toutefois, avec le recul, la création de l’homme n’était finalement pas une bonne idée. C’est certain que sa présence a augmenté la complexité et le suspens de l’Histoire. Mais il a mis un tel boxon sur Terre, que c’est devenu indémerdable, on ne peut pas le dire autrement. Chaque jour l’homme invente une bêtise supplémentaire. Et Dieu, ça finit par le fatiguer.
Soit Il n’est plus là. Il s’en fout. Ca a mal tourné, Il ne veut plus s’en occuper, ça ne L’intéresse plus. Dieu, Il est sur d’autres projets, peut-être expérimenter un nouvel univers avec des souris de laboratoire, ou concevoir une centrifugeuse d’étoiles, ou étudier la réinsertion des dinosaures… Il a oublié l’épisode humain.
Soit Il se marre. C’est un dieu moqueur que la situation sur Terre fait bien rigoler. Il aime l’humour acide du pauvre type en train de scier la branche sur laquelle il est assis. Il attend l’explosion terrestre comme un bouquet final.
Ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut pas compter sur Lui.
Le raffut du rouge
Qui vocifère sa chanson
Pour qu’on l’entende au fond des cours
Le rouge jamais discret
Toujours devant
Pour être admiré dans le soleil levant
Jouisseur sans ascèse
Sans fraîcheur ni repos
Fanfaron
Qui pare les écailles des dragons
Et pète de toutes ses forces
Dans les pétards des fêtes
Ecoutez !
les tambours rouges résonnent,
qui chassent les mauvais esprits.
Pour la première fois
J’ai dessiné dans le rouge,
Et glissé dans le cramoisi d’une soie somptueuse
qui s’écarte
sur la carnation de la peau gercée par l’émotion
je m’étonne
pourquoi dans l’écarlate s’ouvre une profondeur ?
Je fais surgir des braises d’élégies perdues, des traces de sang séché, des reflets de satins précieux, des pétales fragiles d’amarantes coupées, des turpitudes pourpres, des bonheurs rubiconds
Je me blesse aux pointes de rouge acéré
Rouge !
la teinte de l’éclat : celle qui se voit, celle qui vous brûle ;
à la fois matière brute, étoffe raffinée ;
la première couleur nommée par l’homme ébloui.
Rouge :
un des mots les plus anciens du monde.
On disait rouge quand on pensait beau.
Incandescente fuse la fascination.
Mon grand père aimait les arbres. Il a travaillé dur toute sa vie, devant sa forge dès le petit matin, sans vacance et sans voyage. Il a rempli tous les devoirs dont il s’estimait chargé sans chercher à s’esquiver.
Mais, de temps en temps, il disparaissait une journée entière dans les bois. Ma grand-mère lui préparait un sac avec un repas, un vêtement chaud, et le laissait partir. Moi, petite, je sentais bien qu’il s’échappait, qu’il quittait le monde fatigant des hommes pour entrer dans le temps murmurant des arbres. J’aurais voulu qu’il m’emmène. Je pensais qu’il allait voir les elfes et les fées. Je savais que c’était dangereux et magnifique à la fois.
Pendant toute une journée on le perdait.
Au soir il revenait, silencieux. A mes yeux d'enfant, il avait cent ans.
Longtemps les arbres ont relié les générations d’hommes. Car les artisans préparaient le bois de leurs enfants comme ils profitaient du bois de leurs pères.
Les arbres obligent à la lenteur, exigent la profondeur.
Regarder un arbre c’est contempler le temps. Celui qu’un homme n’a pas le temps de vivre.
On ne peut pas couper un arbre sans savoir. C’est trop facile.
Comment oser dire qu’un arbre gêne ? Les hommes ne gênent-ils pas la Terre entière ?
S’il vient un temps où les arbres, renonçant à la sérénité, se mettent à marcher, il se pourrait que les hommes tremblent.
186# Dans les plis du carnet : le temps des arbres (1)
Le temps des arbres n’est pas celui des hommes. Du haut de leur frondaison ils voient passer les vies humaines. Agitées rapides éphémères perdues.
Parce qu’un jour des herbes folles ont rêvé de toucher les nuages,
Sont devenues des arbres.
Alors seulement, s’accrochant à leurs troncs, les hommes ont pu se dresser.
Les arbres respirent la lumière.
Immobiles.
Ils acquièrent la sagesse et la force qu’ils concentrent dans les cercles de leur tronc, écrivant Om au creux de leur âme pour le chanter dans leur feuillage.
Ecoutez, les arbres résonnent d’ondes sacrées.
La neige tombe
Recouvre de silence
Une page blanche
Restent les yeux
Ou une bouche sans voix
Sur l’absence
Aérienne, ébouriffée,
Plume se laisse emporter par le souffle du vent,
Plume a l’air de rien.
Plume est caressante,
au creux du lit, elle tient bien chaud.
Aile sauve la vie des oiseaux.
La fragilité de Plume résiste à la tempête
dans l’abandon.
Plume écrit les mots de Pierrot
sous la lune.
Plume est douce et acérée,
Pointue,
Plume tue.
Plume est l’insignifiante profondeur des choses.
Elle est si lourde de sens
qu’elle devient légère comme une plume.
Plume est la vie naissante et la mort finissante,
Plume est le temps perdu,
enfui.
Plume nous console tous d’avoir été plumés rôtis
par la vie.
Tisser le paysage
La nature tisse le paysage, entrecroise les matières, superpose les feuilles, stratifie les terrains,
emmêle les branches, noue les herbes folles, mélange les poussières, juxtapose les couleurs,
ne jette rien, recycle tout, tasse la pile à pieds joints…
…et regarde tranquillement pousser le paysage poubellesque pendant que vieillit le corps des hommes.
::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::
Alors moi, je fais pareil, je récupère toutes les chutes de papier et je tisse des paysages avec ces petits bouts de rien.
J’ai vu s’ouvrir la nuit première et tout son bleu de perle vraie.
Saint-John Perse
Amers
Quand j’étais petite, mon père me disait toujours « Puce, écoute la trompette ».
Elle chante pour endormir les morts. Pour qu’ils se reposent, étendus au creux de la terre, et ne se relèvent plus en cherchant la lumière.
Car elle sait la force et la douceur qu’il faut pour parler aux fantômes.
Quand je serai morte, jouez moi la sonnerie aux morts. Sinon je reviendrai.
***************************************************************************
La trompette a l’éclat d’un soleil d’or, et sa gorge est ronde et profonde comme un soleil noir.
Elle lance son cri clair dans les airs qui éclate en étoile.
Elle rit, elle clame, elle appelle !
Elle est la bouche et l’oeil sombre du musicien. Elle est la trompe de l’éléphant qui souffle sa colère.
On a toujours l’impression que cette gueularde va se mettre à vociférer. Mais quand Chet Baker la prend, elle pleure comme un violon.
C’est une petite péteuse qui tend son long cou pour qu’on l’entende. Une effrontée qui montre tout son ventre ouvert. Elle étale fièrement les circonvolutions dorées de son intestin grêle.
Elle tempête, elle rouspète, elle chante à tue-tête !
sonnette ! sornette ! soufflette ! sucette !
chouette ! mouette ! pouêt !
*****************************************************************************
Mais parfois le musicien baisse la tête comme un grand échassier ;
autour de l’instrument il se replie pour l’embrasser,
et la trompette au chaud de son corps, se met à murmurer.
Les vagues dans la mer,
le vague de la mer,
les larmes dans la mer,
le vague de l’amer,
l’âme de la mer est dans ses lames
vogue sur les vagues amères,
vague amertume de l’écume,
valse des vagues sur la mer,
vaguement au loin une voile.
Toute ma soif de mer,
ma mère,
salée et trop amère.
Heureusement,
le vent.
'''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''
Et c’est un songe en mer comme il n’en fut jamais songé, et c’est la Mer en nous qui le songera (…).
Saint-John Perse
Amers
Quand la mer se retire, elle laisse dans la trace irisée de sa robe, un espace incertain et éphémère où l'eau, le sable et le ciel se mêlent. Sous ces reflets d'argent, l'immatériel affleure à la surface du monde et dans cette caresse, pendant un instant, ce n'est plus la mer et pas encore la plage. On marche sur la couleur du ciel. La lumière se couche sur le sable. C'est fragile et doux comme la peau nue.
Dans la beauté transparente de ce lieu indécis, Vénus née de la mer, posa son pied sur la terre des hommes.
(c'est dire de l'amour)
Les éléments impitoyables
Sur la plage je n’y vais que depuis peu de temps. Ce qui me surprend toujours c’est l’implacabilité des éléments. Le soleil et le sable sont brûlants et éblouissants, la mer et le vent sont glacés et salés. Pour survivre il me faut toute une panoplie : un chapeau enfoncé sur la tête pour éviter l’insolation, des lunettes de soleil sur le nez pour ouvrir les yeux, un tee shirt pour résister au vent, une tartinade de crème épaisse pour ne pas cuire. Et un paréo pour faire tente en cas de situation extrême. La seule femme voilée sur la plage, c’est moi. Je sors mon nez en toute fin d’après midi quand il faut enfiler un pull pour ne pas attraper un rhume.
J’ai toujours un air huilé. Guillaume me félicite souvent pour mon déguisement de canard.
Je dois certainement cette inadaptation ridicule au fait que je suis née à des centaines de kilomètres de toute mer. Je n’ai pas la bonne peau. C’est pas de ma faute.
A la fin du séjour je suis au mieux couverte de taches brunes qui de loin donnent l’impression d’un léger hâle. Plus ça va moins les taches partent, c’est la joie.
Et pourtant j’adore la mer et la plage, ça me lave la tête, ça m’assomme de chaleur, ça m’endort comme dans le ventre de ma mère. Et c’est le seul endroit où je ne fais rien.
Rien.
Ca repose.
Les images et les textes de ce blog sont protégés par la législation en vigueur sur la propriété intellectuelle. Ils ne peuvent être reproduits ou utilisés de quelque manière que ce soit sans autorisation écrite préalable de l'auteur.