Quand j’étais petite, mon père me disait toujours « Puce, écoute la trompette ».
Elle chante pour endormir les morts. Pour qu’ils se reposent, étendus au creux de la terre, et ne se relèvent plus en cherchant la lumière.
Car elle sait la force et la douceur qu’il faut pour parler aux fantômes.
Quand je serai morte, jouez moi la sonnerie aux morts. Sinon je reviendrai.
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La trompette a l’éclat d’un soleil d’or, et sa gorge est ronde et profonde comme un soleil noir.
Elle lance son cri clair dans les airs qui éclate en étoile.
Elle rit, elle clame, elle appelle !
Elle est la bouche et l’oeil sombre du musicien. Elle est la trompe de l’éléphant qui souffle sa colère.
On a toujours l’impression que cette gueularde va se mettre à vociférer. Mais quand Chet Baker la prend, elle pleure comme un violon.
C’est une petite péteuse qui tend son long cou pour qu’on l’entende. Une effrontée qui montre tout son ventre ouvert. Elle étale fièrement les circonvolutions dorées de son intestin grêle.
Elle tempête, elle rouspète, elle chante à tue-tête !
sonnette ! sornette ! soufflette ! sucette !
chouette ! mouette ! pouêt !
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Mais parfois le musicien baisse la tête comme un grand échassier ;
autour de l’instrument il se replie pour l’embrasser,
et la trompette au chaud de son corps, se met à murmurer.