A Santa Maria sur l’île de Sal, il y avait un ponton de bois qui dansait sur la mer en se prenant pour une vague. Il se déhanchait dans toutes les directions, perdant le bois de son plancher au point qu’il fallait enjamber des énormes trous béants sur l’eau. Sous nos pas, on voyait passer les poissons. Les touristes l’empruntaient précautionneusement avec l’idée confuse de marcher sur un truc vivant, comme le dos cambré d’une bête endormie prête à se relever et à les envoyer valser.
Il était totalement désarticulé, démantibulé, dégingandé. Patiné par le sel et le soleil, il avait la couleur des choses naturelles qui sont là depuis toujours. C’était une ruine splendide. Une association de défense du ponton de Santa Maria réclamait sa restauration.
Sur le ponton de Santa Maria
La vie penche à la mer
Y courent les enfants
Y meurent les poissons
A travers le ponton de Santa Maria
Passe le mer bleue
Passe la mer verte
Nagent les enfants poissons
Au ponton de Santa Maria
Il manque un pilier et quelques planches
Ça n’empêche pas les bateaux d’accoster
Ni les enfants rieurs de plonger
Quand je suis revenue, le ponton était parti rejoindre l’horizon qui l’attirait tant, parti naviguer sur la mer loin des pieds des hommes. Sur la plage maintenant il y a une avancée de béton très stable à travers laquelle on ne voit plus passer les poissons.