C’est un drap rose lilas sur lequel ont reposé pendant plusieurs années, les corps de deux amoureux. L’amour et le désir l’ont usé jusqu’à le rendre doux comme une peau tannée. Il s’est déchiré du bout des doigts, dans une plainte de soie.
Il faut dire qu’il n’était pas neuf ; il avait déjà porté d’autres amours fichues : il était un peu condamné.
J’en ai fait de la charpie pour éponger les blessures, pour étouffer les douleurs. J’en ai fait cette femme : Celle qui reste.
Elle est celle qui reste quand tu n’es plus là.
Elle est celle qui reste parce qu’elle aime trop ou qu’elle aime mal.
Elle est la perdante et la perdue.
Son ventre se gorge de charpie d’amour, une bouillie d’amour devenue sa chair. Elle reste écorchée, ouverte sur des emmêlements infinis. Son corps est entouré de bandelettes comme celui des momies ou des grands brûlés. On voit sur sa peau les nœuds de souffrance qui retiennent sa forme. Elle est pansée, elle est toute pensée, c’est pourquoi elle ne dort pas.
De toute façon il n’y a plus de drap rose lilas où coucher sa désespérance.
Celle qui reste a des entrailles rose lilas, un rose bleui par le froid, un rose violacé sous les coups du sort, un rose maladif, étrange, inquiétant. Elle n’est presque plus en vie, elle oublie d’exister. Comme tous les abandonnés de la Terre, elle reste là, inconsolée.
hauteur totale : 135 cm
hauteur de la femme : 50 cm
largeur : 25 cm