Ils peuvent rester sept ans, ils peuvent rester trois nuits ; ils sont passés un jour devant ma porte. Certains ont dû frapper fort pour se faire entendre. D’autres ont renoncé et sont partis sur la pointe des pieds. Il y en eut même qui voulaient s’installer.
Car les amants sont souvent inconscients des dangers.
Ils m’ont montré de la vie ce qu’elle a de magique et de tragique, tout en passant mes illusions au bulldozer. J’ai ri de leurs mensonges et pleuré de leur tendresse et aussi l’inverse. Pour eux j’ai chanté et dansé ma jeunesse. Ils m’ont dénudée et parfois mise à nu. Ils m’ont révélé le désir de vivre et tout de suite après, l’envie de mourir.
Et, quoi qu’il arrive, les amants s’endorment profondément.
Je leur ai offert des trésors dont ils n’ont toujours pas idée ; j’ai gardé d’eux des souvenirs brillants et coupants comme des éclats de verre brisé ; j’ai découvert les dialogues de sourds et les transmissions de pensées ; j’ai mis tant d’années à décrypter l’obstination de leurs silences désemparés ; j’ai mis tant d’années à comprendre comment leur parler.
A croire que les amants viennent d’une autre voie lactée.
J’ai refusé de les attacher. J’ai refusé de leur mentir et de les tromper. J’ai voulu d’eux la confiance la liberté la passion et la vérité.
Mais, des amants, il ne faut pas trop exiger.
Aujourd’hui tranquille, je les regarde passer. Je devine qu’ils devinent que je les devine ; nous sommes de vieux amoureux. Je suis libre grâce à eux, qui m’ont appris de force à survivre à la détresse.
Aux amants, merci pour les caresses.