(…) A Marie-Madeleine, qui est femme, Dieu dit :
- Ne me touche pas.
A Thomas l’Apôtre, qui est homme, Dieu dit :
- Touche moi.
Pascal Quignard
La nuit sexuelle
Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine vint dès le matin au sépulcre, lorsqu’il faisait encore obscur, et elle vit que la pierre avait été ôtée du sépulcre.
Elle courut donc, et vint trouver Simon Pierre, et cet autre disciple que Jésus aimait, et leur dit : Ils ont enlevés le Seigneur du sépulcre, et nous ne savons où ils l’ont mis.
Pierre sortit aussitôt, et cet autre disciple aussi, et ils s’en allèrent au sépulcre. Ils couraient l’un et l’autre ensemble ; mais cet autre disciple courut plus vite que Pierre, et arriva le premier au sépulcre ; et s’étant baissé, il vit les linceuls qui y étaient, mais il n’entra point. Simon Pierre, qui le suivait, arriva ensuite et entra dans le sépulcre, et vit les linceuls qui y étaient, et le suaire qu’on avait mis sur sa tête, qui n’était pas avec les linceuls, mais plié en un lieu à part.
Alors donc cet autre disciple, qui était arrivé le premier au sépulcre, y entra aussi, et il vit, et il crut ; car il ne savait pas encore ce que l’Ecriture enseigne : Qu’il fallait qu’il ressuscitât d’entre les morts.
Ces disciples s’en retournèrent donc ensuite chez eux.
Mais Marie se tint dehors, pleurant près du sépulcre. Et comme elle pleurait, s’étant baissée pour regarder dans le sépulcre, elle y vit deux anges vêtus de blanc assis au lieu où avait été le corps de Jésus, l’un à la tête et l’autre aux pieds.
Ils lui dirent : Femme, pourquoi pleurez-vous ? Elle leur répondit : C’est qu’ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l’ont mis.
Ayant dit cela, elle se retourna, et vit Jésus debout sans savoir néanmoins que ce fût Jésus.
Alors Jésus lui dit : Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ?
Elle, pensant que ce fût le jardinier, lui dit : Seigneur, si c’est vous qui l’avez enlevé, dites moi où vous l’avez mis, et je l’emporterai.
Jésus lui dit : Marie. Aussitôt, elle se tourna et lui dit : mon Maître !
Jésus lui répondit : Noli me tangere (Ne me touche pas), car je ne suis pas encore monté vers mon Père ; mais va trouver mes frères, et dis leur de ma part : Je monte vers mon Père, et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.
Marie Madeleine vint donc dire aux disciples qu’elle avait vu le Seigneur et qu’il lui avait dit ces choses.
Jean XX 1-18
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noli me tangere
ne me touche pas
cesse de me toucher
ne me retiens pas
… de venir à toi.
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Les apôtres, Pierre et Jean, étaient rentrés chez eux. Mais Marie restait à pleurer.
Où aller quand tout est là, même s’il n’y a plus rien.
Elle était éperdue, perdue, son cœur dans ses mains lourd comme un enfant mort.
Où poser cet amour pour qu’il repose enfin ?
Elle attendait que l’impossible advienne.
Elle pleurait le vide en elle.
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(…) Une femme de la ville, qui était de mauvaise vie, ayant su qu’il était à table chez ce pharisien, y vint avec un vase d’albâtre plein d’huile de parfum ; et se tenant derrière lui à ses pieds, elle commença à les arroser de ses larmes, et elle les essuyait avec ses cheveux ; elle les baisait et y répandait ce parfum.
Luc VII 37-38
Même s’il s’agit pour les historiens et les théologiens de trois personnes différentes, la tradition ne voit en Marie Madeleine qu’une seule femme aux multiples visages. Elle est celle qui lava les pieds du Christ de ses larmes et les essuya de ses cheveux. La prostituée, la possédée et l’éplorée. Toujours elle verse des parfums précieux sur le corps de Jésus. Marie de Magdala est l’odorante aimante.
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Marie sait dès sa première rencontre avec Jésus qu’elle va le perdre, qu’une telle passion ne peut que finir. Elle pleure à ses pieds.
Marie aime avec ses mains, ses cheveux, ses lèvres ; elle adore de tout son corps.
Ce que personne n’ose, elle le fait sans un mot.
Touchante, elle touche, elle étreint, elle enveloppe. Ses gestes parlent d’amour.
Ce que Marie cherche dans la vie comme dans la mort, obstinément, c’est le corps de son Seigneur.
Alors Jésus dit : C’est pourquoi je vous déclare que beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a beaucoup aimé.
(Luc VII 36-47)
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Tout ce qu’on perd, Marie, quand on perd le corps de son amant, toi tu le sais.
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Tous les dessins de cette série sont des études de tableaux appartenant à l’histoire de l’art :