C’est une photo en noir et blanc d’une jeune gitane.
Elle a entraîné le photographe à l’écart pour qu’il fasse son portrait.
Elle pose face à lui, le regard direct. On y voit encore l’assurance tranquille de l’enfance ; ses petits seins percent à peine ; grave, elle ne sourit pas.
Elle a pris sa robe à deux mains.
Elle a pris sa robe à deux mains.
En étalant les plis du tissu, elle prend toute la place, elle prend tous les regards.
Fière et belle, elle se montre au monde.
C’est une jeune fille à marier. C’est pourquoi elle écarte sa jupe des deux mains.
Les épousées n’en tiennent qu’un pli, qui savent déjà, puis au vent ont renoncé.
Elle se dresse ainsi, en symétrie parfaite, en équilibre entre deux états de corps.
A ce moment éphémère où chaque homme retient sa respiration, elle se tient déployée au bord de l’abîme. Les ailes ouvertes, elle appelle l’envol.
Entre les pans de sa robe comme un rideau de théâtre, elle offre à la vie son corps vierge. De toute son intégrité compacte, de toute sa certitude féminine, elle accepte et elle attend.
C’est une photo en noir et blanc d’une jeune fille à marier. Evidemment, sa robe est rouge.