A l’institut de massage, dont l’entrée ressemble à une galerie des glaces version chinoise, un écriteau interdit la consommation de substances illicites et la prostitution. On nous introduit dans un salon privé où une sirène en porte jarretelles de trois mètres de haut nous offre son corps de plastique peint. Je choisis le fauteuil qui lui fait face. Mon masseur a des mains de pianiste. Devant ma réticence à glisser mes pieds dans un seau d’eau bouillante, il me saisit les chevilles, plonge mes pieds dans ce bouillon de feu et les maintient fermement d’un air impassible, ses yeux dans mes yeux. Il n’exprime aucune émotion, qu’il me caresse ou me torture, le regard distant, très légèrement étonné. Je ne doute pas que les ventouses sur la plante des pieds nettoient le corps en profondeur, à la douleur de cette succion qui va chercher jusqu’au ventre les mauvais souvenirs à brûler. Je me tords sous leurs griffes encore accrochées à mes viscères. Le verre des ventouses vire au noir.
Mon masseur sourit à peine. Je repars en marchant sur le coton des nuages.
Ce qui est passé est passé, dit Alma. Ce qui est passé n’est plus à vivre.
Voilà au moins une chose de faite, pensé-je.