Au repas, on porte des toasts. A l’alcool de riz, au vin, à la bière. Au thé en ce qui me concerne. L’hôte prononce le premier discours en l’honneur de ses invités. De réponses en nouveaux toasts, l’exigence de finir son verre cul sec fait assez vite dériver les choses. Ce qui pourrait être une manière sensible d’exprimer un message, de rendre hommage ou de remercier, de partager le temps en poésie avant de mourir, devient un rituel d’affrontement pour déterminer une supériorité (alcoolique).
J’oublie, je t’oublie dans la brume, je t’efface.
Je perds ma peine, je perds la mémoire de l’absence, je te perds.
Je marche dans l’ouate de l’oubli, l’âme en fumée d’encens.
Tu t’en vas et je reste vide de brume emplie.
Alma dit : ça n’a pas de goût, ça ne peut pas être mauvais.
La Grotte des mille Bouddha s’enfonce dans la montagne, sombre et flottante. L’air est nébuleux, la lumière rare. On avance sur un chemin irréel, vers un passage incertain. Le Bouddha se tait, et l’eau goutte doucement de la roche. Je ne savais pas que la brume naissait au ventre de la montagne.
Dans cette brume amante, je dors seule toutes les nuits. Le corps éteint.