Sur l’île de Boavista, il y avait une route droite toute bordée d’arbres au milieu du désert de cailloux.
Ces vieux arbres au lieu de tendre leurs branches en les arrondissant pour faire une jolie arche au-dessus de la route, comme font tous les arbres qui se respectent, et qui respectent l’ingénierie humaine, ces vieux arbres au contraire s’arquaient de l’autre côté dans une accolade inversée, cherchant manifestement à écarter leur feuillage le plus possible de la voie, voire carrément à se barrer. L’impression sur une certaine distance était surprenante, de ces arbres détournant le regard à notre passage.
C’était une jolie route pavée de cailloux emboîtés, un beau travail de marqueterie pour le pas sonnant des petits ânes. Mais les camions et les 4/4 commençaient déjà à défoncer cette mosaïque. Le trafic augmentait et la voie était trop étroite pour qu’ils puissent se croiser.
Et puis un jour nous sommes revenus et la route était cassée et les arbres arrachés. Ces trésors du ciel qui avaient bien voulu pousser dans l’aridité et la poussière, qui avaient vécu là si longtemps : je les ai vus couchés sur le sol du désert, leurs racines mises à nu, et la blessure béante de la terre. Et moi aussi, je suis blessée.