La catharsis du bulldozer
Sur la plage on peut faire des châteaux de sable, voire des constructions plus originales et même des sculptures. Il suffit de prendre du sable mouillé et de s’inventer quelques outils robustes pour le gros oeuvre ou précis pour les finitions.
On y passe un temps assez long. Les résultats peuvent être splendides mais l’intérêt de l’activité ne réside pas là. Il commence quand on s’éloigne de son œuvre, qui reste ainsi offerte au regard des passants sans plus de surveillance visible.
L’expérience révèle, quelque soit la beauté, l’ampleur, l’originalité de la construction, qu’elle ne peut pas survivre plus d’un quart d’heure (c’est un maximum). En effet, dans ce laps de temps, obligatoirement, un ou plusieurs gamins vont la trouver sur leur trajectoire et s’employer soigneusement à la raser.
Le temps de la destruction est bien sûr sans aucun rapport avec le temps de la réalisation. Mais la joie de la destruction m’interroge : il semble y avoir un grand bonheur à casser, à piétiner les formes, à écraser les images. Une jubilation dans l’effacement, l’expression d’un instinct profond, l’exultation du geste définitif.
Bref on peut laisser au monde une belle chose et s’en aller le cœur tranquille : il n’en restera rien.
De cette violence irréfléchie naît une beauté de l’éphémère, celle qui ne laisse que des traces et enrichit les souvenirs pour écrire les rêves.