1966
année du cheval de feu
ça n’a pas l’air d’impressionner les Chinois ; en revanche les Japonais en font toute une histoire.
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
En 1682, Yaoya Oshichi avait seize ans. Elle était née en 1666, année symbolique, année du cheval de feu. Alors qu’un grand incendie ravageait son quartier, elle trouva refuge avec son père dans un temple. Elle y tomba amoureuse d’un jeune moine, mais elle dût le quitter et retourner vivre dans sa maison reconstruite. Pour le revoir, elle mit le feu. Ces contemporains, plutôt crispés sur la question des incendiaires dans un pays où les constructions étaient en bois, la jugèrent et la brûlèrent vive. Le feu par le feu.
Les Japonais gardèrent de cet épisode, une prévention certaine pour la combinaison cheval / femme /feu. Toute femme née l’année du cheval de feu est réputée puissante et indomptable, et censée écraser voire tuer son compagnon, déstabiliser les familles, semer la pagaille quoi.
Du coup elles sont difficilement mariables. Les hommes ne sont pas joueurs.
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Plus généralement, et pas seulement au Japon, il semble que l’action radicale, efficace, voire cinglée, soit réservée aux hommes chez qui elle apparaît même comme une qualité. Dès que les femmes emploient des moyens similaires, la société est terrorisée et les traite de folles. En France, on dit que ce sont des Louise Michel (qui pourtant n’a pas plus lancé de bombes que des millions d’hommes, et avait à l'époque plus de raisons de le faire que des millions d’hommes).
Alors, le feu serait un attribut masculin et les petits garçons n’aimeraient pas qu’on leur pique leur jouet.
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
En 1966, la natalité a chuté de 18% au Japon, et on a enregistré proportionnellement moins de filles. Les filles nées en bordure d’année ont certainement été déclarées sur 1965 ou 1967, ce qui explique le taux de natalité plus important de ces deux années. On peut s’interroger sur l’efficacité de la destinée s’il suffit finalement de fermer les yeux sur la véritable date de naissance, et d’en inventer une autre : c’est pratique. Les futurs maris ont eu intérêt à se méfier des natives de fin 65 et début 67, s’ils ne voulaient pas finir rôtis.
Bon. Le taux de natalité du Japon est aujourd’hui si bas, que le déficit de l’année 1966, c’est de la rigolade. Ca ne valait peut-être pas la peine de s’énerver comme ça.
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Je suis née l’année du cheval de feu, évidemment. A une semaine près, j’étais serpent, réputée sage et de signe respecté. Le destin tient à pas grand chose.
Guillaume dit que je ressemble à une jeune jument toute folle avec ma queue de cheval qui s’agite, mes gestes inconsidérés, mes brusques écarts, mes jambes démesurées quand je grimpe sur des talons trop hauts.
Pour l’instant, je n’ai écrasé personne (avec mon vélo) et il n’a pas l’air d’avoir peur (Guillaume).
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
La conjonction du signe du cheval et de l’élément feu ne revient que tous les 60 ans. Ouf font les Japonais. Mais cela ne laisse que peu de possibilités aux hommes de toute une génération, de rencontrer une femme hors du commun, de mettre des étincelles dans leur vie, de s’ouvrir à des horizons inconnus, de vivre une passion brûlante, d’éprouver le frisson du danger et, s’ils en réchappent, de se fabriquer des souvenirs inoubliables pour les longues et tranquilles années à venir de leur mariage avec une femme convenable.
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Si toutes les petites filles de l’année 1966 avaient vécues, elles auraient changé la face du monde (au moins japonais).
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§