Peau d’Ane aimait les robes et les fourrures. De son Père veuf qui voulait l’épouser, sur les conseils de sa marraine fée, elle exigea une Robe couleur du Temps, une Robe couleur de Lune, une Robe couleur de Soleil et la peau d’un âne. Il ne comprit pas.
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Pour sauver sa vie, ses amours et sa peau, Peau d’Ane exigea d’abord une Robe couleur du Temps. Elle réclama du temps pour choisir, du temps pour attendre, du temps pour grandir.
C’est la première robe que l’Infante demande. La première chose dont elle a besoin, avant la féminité de la Lune, avant l’éclat du Soleil.
Elle n’obtiendra que le temps de s’enfuir.
Car Peau d’Ane ne veut pas être clouée par l’aiguille du Temps au lit de son Père.
Et seule dans sa peau d’âne, exilée de son monde princier, au milieu des volailles et des moqueries des garçons de ferme, elle s’enferme dans sa chambrette, lave son visage et enfile la Robe couleur de Temps. Car il est encore temps de rêver qu’un prince viendra, avant qu’il ne soit plus temps.
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Charles Perrault voit en la Robe couleur du Temps, la couleur du Ciel. Dans le conte, la robe est bleue comme l’azur le plus pur. Mais Peau d’Ane pleure sous l'orage, elle erre dans la nuit noire, et tous les nuages de l’angoisse lui ferment l’horizon.
La Robe couleur du Temps est de soie grise, effilochée de rais de pluie, froissée de tulle noir comme une robe de deuil.
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
La Robe couleur du Temps est jaunie, salie, déchirée, reprisée. Elle est tâchée du premier sang de femme versé. Elle a tant dansé, tant brillé ; elle a été désirée, aimée, enviée et puis oubliée. Elle a longtemps attendu au fond d’un grenier.
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Peau d’Ane, peau d’Anne, qui cache les os d’Anne, les eaux troubles ou claires, Claire Anne, Anne Noire, qu’est-ce qui est beau ou laid du dedans ou du dehors, qu’est-ce qui est sombre ou clair ?
Pour vous rendre méconnaissable,
La dépouille de l'âne est un masque admirable.
Cachez-vous bien dans cette peau,
On ne croira jamais, tant elle est effroyable,
Qu'elle renferme rien de beau.
Ma peau.
§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§
Les citations (en italique) sont extraites de Peau d’Ane, Charles Perrault.
Le visage de la femme sur la robe de Peau d'Ane est tiré d'une photo de S. Salgado.
Les dessins sont des impressions de peau de poupée mannequin (cf article 10#).