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20 mars 2009 5 20 /03 /mars /2009 10:52


Une grande vitrine de corsets féminins, rue du Docteur-Arnold-Netter : un homme debout dans la vitrine, vieux et immobile parmi les bustes de cire et les flocons de neige en coton hydrophile, il a levé les bras vers une lampe qui ne marche pas, et la braguette de son pantalon gris et lâche est ouverte sur une flanelle blanche un peu sale.

Hervé Guibert

Le mausolée des amants



 

Le corset, c’est un corps qui enserre un corps pour le dompter.

C’est un lien lacé serré autour de la taille pour l’étrangler.

Qu’il soit de soie ou de métal, c’est une prison au corps de la femme.

  

 

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Longtemps les bien pensants se sont acharnés à convaincre les femmes que l’exigence de tenue, la nécessité de l’hygiène, et même l’érotisation du corps féminin justifiaient le port de cet harnachement. Alors qu’il empêche le corps de se muscler, la peau de respirer, la silhouette de vibrer. Au fil des modes, il a transformé les femmes en amphore, en sablier, en colonne, en panier, en autruche, en planche, … etc (en même temps qu’il a replié leurs côtes, comprimé leurs organes, atrophié leurs poumons… etc). Comme si elles n’étaient qu’une matière molle à modeler au gré des fantaisies.


 



En fait, ces gros bourgeois ne voulaient pas qu’elles puissent bouger et s’oxygéner, se développer et s’émanciper, courir et s’échapper.

Se laisser emportées par un geste spontané, au cas où elles les auraient giflés.

 



Ca se passe de la même manière ailleurs. Sous prétexte de les parer, les japonais ont bardées leurs compagnes de larges obis noués sur leurs kimonos, si bien qu’elles ne peuvent ni lever les bras ni faire un pas trop grand sans défaire leur tenue. De nombreuses sociétés en divers points du monde ont ainsi saucissonné leurs femmes pour mieux les faire sécher.

 



Au fil des siècles anciens, à petit pas s’avance la femme caparaçonnée au corps de scarabée, seins projetés en avant et cul cambré à l’arrière, en armure prête à la guerre, avec sa taille de guêpe et son busc en os de baleine, comme un bouclier sur la poitrine.


Aux conquérants de la forteresse le droit d’ouvrir la femme comme une huître.


Attention ! Malgré sa cuirasse de tank, il ne faut en aucun cas la brusquer, sinon elle tombe comme une mouche, vu qu’elle ne peut même pas soupirer.


 

 


Au bout d’un moment, il est apparu trop clairement que le corset était un instrument d’oppression. Et puis il immobilisait une force de travail exploitable. Alors il s’est transformé en gaine.




Gaine-sangle, serre-taille, ceinture de hanche, corselets, ganse, guêpière, les dénominations restaient sur la même idée de tout bien ranger dans un minimum de place.


 



C’est encore l’obsession de modeler la ligne. Depuis le début, comme si le corps de la femme n’était pas suffisamment achevé ou que Dieu l’avait mal conçu, il faut l’améliorer en le redessinant. Sauf que de la compression naît le bourrelet, et qu’on n’en finit jamais. La gaine des années 50 part de la poitrine pour descendre jusqu’en dessous des fesses et tout comprimer entre ces deux point. Le trop plein ressort aux cuisses.

 

 
Je me suis toujours demandée ce que les amants pouvaient bien penser de ce machin caoutchouteux couleur chair. D’où l’indispensable paravent des images de l’époque, pour se déshabiller dans la chambre à coucher et cacher le beau ruissellement de la chair. 
 



Quand on a jeté à la poubelle cet outil constricteur, il y avait encore quelques bonnes âmes pour fustiger le « lamentable laisser- aller » de celles qui se contentent d’un slip et d’un soutien-gorge « au mépris de l’hygiène, du confort et du goût ».

 

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Petite fille, je subodorais des choses trop compliquées sous les robes des dames d’un certain âge. Déjà ces combinaisons et ces jupons qu’on doit impérativement porter sans jamais qu’ils ne dépassent, c’était vraiment chercher les problèmes. Leurs corps véritables me paraissaient lointains, inconnus, inaccessibles. Je ne les ai jamais vues se dévêtir. Elles sont parties avec leur mystère.

 

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Heureusement pour moi, sous leurs jupes, les filles d’aujourd’hui peuvent mettre ce qu’elles veulent, voire rien du tout, et courir plus vite que les garçons.

 

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commentaires

J
Heureusement pour moi, sous leurs jupes, les filles d’aujourd’hui peuvent mettre ce qu’elles veulent, voire rien du tout, courir plus vite que les garçons et jouer avec les transparences.<br /> Accord du corps à corps raccord, Cora, Cora, Cora, Chora
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