Nous logeons à Old Delhi. Le taxi qui nous récupère à l’aéroport n’a pas l’air du tout de trouver ça drôle. De fait nous comprendrons très vite que ce quartier est impraticable, même à pied, quelle que soit l’heure. Il déborde d’activité. La rue change tous les jours. Un monde fou circule de toutes les manières qu’il soit et le plus vite possible. C’est gai, bruyant, parfumé, coloré, pollué, vivant.
Un soir nous rentrons tard dans un rickshaw. Et dans la nuit grisâtre, éclairée de hasards, dans la poussière qui monte comme une brume, un autre monde apparaît, incroyable, irréel. La rue silencieuse est envahie de camions, voitures, carrioles, rickshaw remplis à ras bord de tonnes de marchandises en sacs de toile. Des porteurs les déchargent sur leurs épaules, accumulant des monticules de sacs impressionnants. Ils tirent des charrettes plus hautes qu’eux. Les corps sont tendus, forts et nerveux, si fins qu’on voit chaque muscle ; il y a tant de peine et de sueur, que des hommes qui portent lourd et travaillent dur, pas une seule machine pour les seconder. Aucune parole prononcée, si peu de bruits, quelques onomatopées échappées et des respirations profondes d’effort. Les gestes sont précis et efficaces. Tous ces mouvements s’effectuent sans heurt. Les hommes si chargés glissent comme des danseurs. On dirait un ballet muet.
Le travail et la peine humaine valent si peu de chose ici.