Le fil est féminin.
C’est le fil de la Vierge, celui d’Ariane et de Pénélope.
Depuis la nuit des temps, à la femme a été confié le fil, entre ses doigts glissé. Dans les mythologies qui ordonnent le monde, tisser est au féminin ce que labourer est au masculin.
La femme peigne, carde, file, tisse, coud, brode, tricote, tresse, rembobine et raccommode.
Le lin, le coton, la laine, la soie, le cordon ombilical, les fils de la destinée, ses longs cheveux, les vêtements, la nappe de l’autel, les voiles de mariée, les linceuls et les drapeaux.
De ce fait, la femme se pique à l’aiguille, au fuseau, à l’épingle, à la pointe des ciseaux. Perle le sang de la mère de Blanche Neige, et s’endort la Belle au Bois dormant.
Car le fil est puissant et la femme une sorcière, peut-être même un ange. Elle emmêle, démêle, emberlificote, effiloche, étend la lessive lavée en famille, tient les cordons de la bourse, tire les fils et fait des nœuds.
Bien sûr, ce sont les hommes qui ont inventé le fil de pêche, les fils barbelés, les fils électriques, le fil de la lame, et surtout surtout le fil à plomb.
Mais en dernier lieu, les Parques coupent le fil.