Carnet des pins
Faubourg de Xi'an : dessiner des immeubles de trente étages comme une discipline, comme une méditation.
La banlieue de Xi'an est un désert de béton, traversé d’immenses avenues vides, bordées d’immenses immeubles vides. Dans cet univers aride, aucune vie n’apparaît. Seul le panneau publicitaire clignote et chante en boucle une ritournelle assommante.
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Partout dans le monde, les stiquemous amoureux de ma peau.
Carnet des tampons
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Dans la montagne après la pluie, je dessine la brume ondoyante. Je regarde attentivement la forteresse rocheuse qui barre l’horizon, je baisse les yeux sur mon papier puis je les lève et - la montagne a disparu dans ses voiles. Le paysage s’est effacé pour en laisser apparaître un autre, d’essence différente. Je reste sans voix devant la puissance de la brume et la fragilité des montagnes.
Par l’errance de mon crayon, j’apprends que la montagne est liquide et que son reflet fugace est emporté dans la mouvance du souffle blanc. L’opalescence délicate ouvre des trouées de vide là où se dressait la certitude d’un rocher. Cette immanence de l’inconstance me bouleverse. J’assiste impuissante et perdue devant ces abîmes de laitance opaque, à des naissances et à des disparitions, à des révélations et à des oublis sans fin.
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Paravent des visages
Les Chinois mangent autour d’une table ronde, d’un plateau rond qui tourne comme la chance. Ils mangent dans une profusion de plats qui couvrent la table. Ils portent des toasts en frappant leurs verres sur le plateau rond de la chance, en hurlant Gan Bei ! à pleins poumons. Ils crient et ils rient, on ne sait s’ils crient ou s’ils rient. La bière coule, les sauces giclent. Ils sont là heureux plongés dans leur repas comme au cœur saignant de la vie.
Paravent des visages
Soudain
ils ont disparu,
laissant sur la table ronde une idée du chaos.
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