C’est sûr, je ne connais pas les règles du rugby, mais ce n’est pas grave. Je regarde les matchs sur les télés des cafés, au milieu des cris de joie, des silences lourds et des commentaires définitifs. Aux plissements des fronts et aux mâchoires serrées, je vois que le rugby est une affaire sérieuse.
A mes yeux de néophyte à lunettes, qui gribouille sur un carnet sans regarder ce qu’elle fait, dans ma tête pas bien sérieuse de nana qui paraît bizarre, le rugby, qu’est-ce que c’est ?
Un jeu de spirales en déplacement incessant dans l’espace d’un rectangle vert ;
Des bras qui embrassent des corps qui tombent,
Des jambes qui enjambent des corps qui tombent ;
De la boue de la boue de la boue, sur les cuisses roses, les maillots blancs, les chaussettes vertes ;
Des gueules cassées, des nez bosselés, et des cagoules soigneusement tirées sur de fragiles oreilles ;
Des brutes qui dansent une danse fascinante de force brute animale ;
Des masses de muscles en lourd mouvement lancées comme des bombes ;
Des masses de muscles que des mains lèvent au ciel pour attraper une étoile filante ;
De larges mains qui plaquent avec brutalité, qui étreignent un ballon sur le cœur comme un trésor volé, et se le font piquer ;
Des grands qui se roulent dans l’herbe et se roulent dessus les uns les autres avec la joie des enfants ;
Des hommes enlacés têtes baissées, qui poussent et résistent comme le feraient des cerfs, des bisons, des mammouths pour la prise d’une femelle ;
Le recueillement de l’opérant devant le ballon qu’il a délicatement posé sur son socle, comme un œuf dans son coquetier ;
Des mêlées de corps que des mains d’hommes accouchent ;
Finalement, une histoire de poule et d’œuf.
J’ai plein de dessins dans mon carnet et je repars contente. Moi, j’aime bien le rugby.
Dans le café, ils me regardent drôle.