C’était un peignoir de mariage, offert pour la nuit de noces. Un vêtement d’éponge blanche et d’abandon.
Il a vécu bien au-delà de la mort du couple. Il a vu les matins heureux entre les époux, les matins de colère et d’affrontement, et ceux d’indifférence. Il a senti d’autres aubes d’amour se lever, et de nouveaux corps en lui se lover.
Il a touché des peaux nues encore chaudes de sommeil et d’étreintes.
Il a été taché de confiture, de café, de sperme et de sang. Il retrouvait de plus en plus difficilement sa blancheur originelle.
Il a été usé jusqu’à la corde, jusqu’à en perdre toute capacité à éponger une larme. Il a perdu ses bouclettes innocentes. Un jour, sa ceinture s’est rompue : il ne pouvait plus rien retenir.
Sa charpie est douce, gorgée de l’intime des corps et des hyménées. Elle s’éparpille en petits bouts blancs qui s’envolent d’un souffle. Il faut les rassembler pour reconstituer l’âme de mariés unis, comme il en existe dans les rêves.
Le temps réduit la chair et l’amour en charpie. La couturière cherche à réparer, à repriser, à resserrer ce qui se sépare, à reconstituer ce qui se délite. Elle se blesse et souffre, l’aiguille se tord dans l’épaisseur du temps. La charpie sert à éponger le sang de ceux qui se souviennent trop et raccommodent infatigablement les lambeaux de la mémoire.
La raccommodeuse crie de douleur, de surprise et de colère. Obstinée, elle reprend son travail patient de consolation.
Avec le fil, avec le temps, avec le fil du temps, roulent les bobines, se tisse l’attachement.
Ne lâchez pas la main de votre marié(e).
hauteur totale : 60 cm
largeur: 40 cm