«Pour moi, la sculpture c’est le corps. Et mon corps est ma sculpture.»
Louise Bourgeois
C’était un drap rose pâle sur lequel j’ai longtemps dormi.
J’aimais sa couleur tendre comme le creux d’un coquillage quand j’ouvrais le lit.
Je l’ai usé de tours, de détours et de retours à chercher l’issue des rêves ; je l’ai déchiré de cauchemars et d’angoisse sans sommeil ; je l’ai épuisé.
Il s’en est allé en charpie, il s’en est allé.
Ce drap élimé a retenu dans ses fils toute une part de mon intimité, il s’est poli au contact de ma peau, il sait de moi des moments d’abandon que je ne connais pas. J’ai dormi dans la confiance de sa présence. Il porte mon empreinte en souvenir de moi.
Les choses nous font plus que nous ne les fabriquons.
Et puis un jour, elles nous quittent.
Cette chose douce rose fanée tombe en lambeaux de peau de m’avoir supportée, entourée, rassurée. Fragile et jaunie comme une dentelle du temps, elle semble un tissage de mémoires, une gaze de songes emmêlés à travers laquelle coule la vie enfuie.
Avec toute la patience et l’attention qui lui sont dues, je l’ai délicatement déchiquetée.
Du tissu je suis revenue au fil, de la tache je suis revenue à la ligne.
Du rose de la chair je suis retournée au filament, à la fibre musculaire, au réseau de vaisseaux sanguins. J’ai malaxé une matière déjà presque humaine d’avoir tant enveloppé un corps. J’ai fait de la charpie pour éponger le sang, panser les blessures et modeler un être.
Imprégné d’odeurs et de rêveries de femme, le drap rose s’est incarné.
Ariane est faite d'enchevêtrements d'amours et de noeuds de temps, de pleurs versés sur les fils coupés.
hauteur totale : 135 cm
hauteur de la femme : 65 cm
largeur : 14 cm