A Xi'an, il n’y a presque plus de vélo mais il y a encore des balais. Je veux dire, des balais traditionnels, en paille et tiges de céréales diverses, tressées, arquées, domptées dans des plumeaux superbes dont certains ont gardé leurs graines. Il y a aussi des balais serpillière en frange de tissus de couleurs variées devenues subtiles à force de lessivages et qui reposent sur tous les trottoirs devant toutes les portes, aux grilles des fenêtres, au tronc des arbres, à la ville comme à la campagne. Et je les trouve tous beaux.
Un jour, Gilles a renversé une bouteille d’encre de Chine sur le carrelage de l’atelier de Chen, projetant sur son pantalon clair des calligraphies de style d’herbe. Alors un balai a dansé pour moi une danse en noir et blanc sur le sol souillé d’encre, dessinant de ses cheveux fous des paysages fouettés par le vent, emportés par la vitesse de sa course savonneuse.
Je photographie les balais pour une Grande Collection. Ca intrigue les Chinois, voire même ça les met en colère, car un jour dans la rue, un vieux monsieur furieux me traita violemment de je-ne-sais-quoi-puisque-je-ne-parle-pas-chinois, en retirant sur le champ les balais de la portée de mon objectif. En Chine, il ne faut pas faire son originale.
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