1 mars 2010
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Le fond de la matière est rouge.
Tout en nous s’en souvient.
Toute approche du Jardin fait rougir encore.
Notre sexe s’en souvient. Notre cœur s’en souvient.
Toute approche du Jardin fait rougir encore.
Notre sexe s’en souvient. Notre cœur s’en souvient.
Pascal Quignard
Abîmes
[Le chasseur] posa son fusil, prit des ciseaux et se mit à tailler le ventre du Loup endormi. Au deuxième ou au troisième coup de ciseaux, il vit le rouge chaperon qui luisait. Deux ou trois coups de ciseaux encore, et la fillette sortait du Loup en s’écriant :
- Ah ! Comme j’ai eu peur ! Comme il faisait noir dans le ventre du loup !
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Car tout est noir chez le Loup. Son poil hirsute, sa gueule ouverte, son ventre chaud.
Le Loup est la nuit noire des métamorphoses.
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Le Loup accouché par le Chasseur : entre les dents acérées et les ciseaux pointus, apparaît la rouge lumière d’un corps féminin.
Sortir du ventre du loup, c’est une seconde naissance, la venue à une vie de femme baptisée de rouge sang.
Le Petit Chaperon rouge ne tentera plus d’approcher l’inconnu. Elle ne quittera plus le droit chemin pour cueillir des fleurs et courir après les papillons.
Elle saura choisir sagement entre le Chasseur et le Loup.
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Elle lui dit : « Ma Mère-Grand, que vous avez de grands bras ! »
« C’est pour mieux t’embrasser, ma fille. »
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Le noir du Loup pour inventer les ténèbres du mal, l’opacité du secret, la tiédeur de la nuit.
Le rouge du Petit Chaperon pour colorer les lèvres, le sang, le désir, la matrice.
Il faut tout le noir du Loup pour éteindre cet incendie.
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L’ultime refuge de l’ombre au creux des bras du Loup.
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Moralité
On voit ici que les jeunes enfants,
Surtout de jeunes filles
Belles, bien faites et gentilles,
Font très mal d’écouter toute sorte de gens,
Et que ce n’est pas chose étrange,
S’il en est tant que le Loup mange.
Je dis le Loup, car tous les Loups
Ne sont pas de la même sorte ;
Il en est d’humeur accorte,
Sans bruit, sans fiel et sans courroux,
Qui privés, complaisants et doux,
Suivent les jeunes demoiselles
Jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles ;
Mais hélas ! qui ne sait que ces Loups doucereux,
De tous les Loups sont les plus dangereux.
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Dans la gueule du Loup,
elle y est allée en cueillant des fleurs,
en dansant, en chantant,
elle y est entrée toute nue.
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Les textes en italiques sont extraits du Petit Chaperon rouge de Charles Perrault, des Frères Grimm et de versions orales citées sur le site de la BnF, Contes de Fées.