15 février 2010
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Comme le loup protestait de ses bonnes intentions,
elle lui jeta au nez :
elle lui jeta au nez :
- Et l’agneau, alors ?… Oui, l’agneau que vous avez mangé ?
Le loup n’en fut pas démonté.
- L’agneau que j’ai mangé ? Lequel ?
- Comment ? vous en avez donc mangé plusieurs ! s’écria Delphine.
Eh bien ! C’est du joli !
Eh bien ! C’est du joli !
- Mais naturellement que j’en ai mangé plusieurs.
Je ne vois pas où est le mal… Vous en mangez bien, vous !
Je ne vois pas où est le mal… Vous en mangez bien, vous !
Marcel Aymé
Les contes du chat perché – le loup.
Une faim de loup
Le Loup, la voyant entrer, lui dit en se cachant dans le lit sous la couverture : « Mets la galette et le petit pot de beurre sur la huche, et viens te coucher avec moi ». Le Petit Chaperon rouge se déshabille, et va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir comme sa Mère-Grand était faite en son déshabillé.
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Au lit de la grand-mère, il se passe tant de choses.
Au lit de la grand mère coule une rivière profonde, s’enfonce le passage des enfants pas sages.
Au lit de la mère, est née l’enfant, belle et fraîche, nourrie, choyée, enveloppée de douceur rouge pour, un jour, la consolation des Loups.
Au lit de la mère-grand, s’apprend le danger, la confrontation du noir et du rouge, la peur et la douleur, l’étonnement, l’abandon, l’ingestion.
Et c’est toujours une longue filiation de femmes, une laisse de mères et de filles enchaînées, qu’il faut porter.
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- Oh ! Grand-Mère, quelle grande bouche et quelles terribles dents tu as !
- C’est pour mieux te manger, dit le Loup, qui fit un bond hors du lit et avala le Petit Chaperon rouge d’un seul coup.
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Mandibules qui articulent et mâchoires qui mastiquent
Mandications mâcheuses de mante religieuse
Masticatoires ouvrant à la méditation
toutes ces bouches affamées parlent, avalent et recrachent,
toutes ces bouches ouvertes sur une faim sans fin, sur un désir sans fond.
Et c’est ainsi que, dans les versions orales du conte, le Loup invite le Petit Chaperon rouge à cuisiner, à manger de la viande et à boire du vin, qui sont en réalité la chair et le sang de sa Grand-Mère.
Une Mère-Grand crucifiée sur l'autel de la vie : "vous ferez l'amour en mémoire de moi".
Au noir profond des gorges béantes, tombe un vieux corps devenu stérile, nourrit un jeune corps et le rend fertile.
Manger
Manger pour survivre, manger pour ne pas être mangé,
Manger pour connaître, pour garder,
Digérer pour devenir l’ingéré.
Manger, c’est aimer.
La jeune mange la vieille pour devenir vieille à son tour ;
La jeune mange la vieille pour ne pas être mangée par la vieille ;
Le Loup mange la jeune et la vieille pour ne pas faire de jalouses ;
Trop gros, le chasseur ne mange rien, il est au régime ;
C’est un gentil dîner de famille, où tout se mange et rien ne se jette,
… mais alors, qui a mangé la galette ?
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Les textes en italiques sont extraits du Petit Chaperon rouge de Charles Perrault, des Frères Grimm et de versions orales citées sur le site de la BnF, Contes de Fées.