Il faut voir le Noli me tangere représenté par les peintres. C’est une histoire d’amour complète : des émotions, des ruptures, des hésitations, des retrouvailles.
Jésus peut être calme et apaisant, la main bénissant le front de Madeleine (Fra Bartolomeo), doux et compatissant (Andrea del Sarto).
Parfois triste, l’éloignant comme à regret : ils sont là tous les deux, des larmes dans les yeux (Duccio). Quelquefois effrayé, il la tient à distance et semble s’enfuir (Giotto).
Pour éviter les ennuis, il passe sur la pointe des pieds (Fra Angelico), ou marche d’un bon pas sans s’arrêter (Schongauer).
Il est déterminé. Il lui fait des discours sur l’amour spirituel en lui montrant le ciel (le Corrège). Il envisage la prise de judo devant une Madeleine furibonde (Holbein).
Chez Barocci, on se demande s’il ne va pas lui retourner une gifle.
Souvent Madeleine à genoux tend le regard et les mains vers le sexe de Jésus, parfois fascinée par son caleçon (Baldung).
Il est contraint de se protéger dans ses linges (Laurent de la Hyre, Rubens, Fra Bartolomeo), l’organe emberlificoté comme un chou-fleur (Titien).
Comme elle est incorrigible, il lui cache les yeux de sa main (Laurent de la Hyre).
Madeleine a les yeux la bouche les bras grand ouverts. Jésus s’écarte un peu tendu (Jacopo Pontormo), inquiet de débordements possibles. Sa main l’arrête d’un geste définitif (Poussin, Véronèse).
Et puis il danse avec Madeleine une danse d’évitement contorsionné comme une parade amoureuse (Bronzino).
Madeleine la paume ouverte devant son sexe, la main tendue vers celui de Jésus, Jésus la main fermée sur le sien (Laurent de la Hyre) : trois points de suspension entre l’amour et la séparation.
Finalement, c’est Jésus qui la touche, effleurant, frôlant, caressant son front (Bramantino, Cano), son sein (Jacopo Pontormo).
Madeleine est souvent souriante, toute à sa joie de revoir son amour (Giotto, Fra Bartolomeo) ; mais déjà le noli me tangere a contaminé son visage qui proteste (Jacopo Pontormo), souffre (Duccio), supplie (Boticelli), se révolte (Holbein). Déjà elle se résigne, séparée à jamais de son amour par la mort et la résurrection - que symbolise le tombeau ouvert (Le Pérugin).
Et puis elle écoute et croit, et ses yeux sont ceux d’une illuminée (Bramantino).
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De nombreux les peintres affublent Jésus d’une bêche, d’une pelle, ou d’un sarcloir, sous prétexte que Marie-Madeleine, perturbée, l’a pris pour le jardinier, alors que le texte biblique ne précise pas que Jésus s’est amusé à se déguiser. Souvent, il s’appuie sur cet outil ; mais il le porte parfois sur l’épaule (Botticelli), et ça lui donne l’air désinvolte d’un flâneur plutôt que la dignité d’un dieu ressuscité.
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